L'éducation change le monde.
Visiter un pays, c'est comme le rencontrer, lui et tout ce/celles/ceux qu'il abrite.
En rencontrant le Cambodge, on a rencontré ses enfants. Ces visages souriants et ces éclats de rires. Puis, nous nous sommes posé de plus en plus de question, et c'est de l'une d'elles que j'aimerais aborder avec vous :
Entre école et vie quotidienne, quelle est la place de l'éducation au Cambodge ? Et comment impacte-t-elle le mode de vie des enfants cambodgiens ?
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Avant toute chose, mes propres recherches m'ont permis de prendre conscience de la complexité du sujet notamment pour ce pays. Il est difficile de trouver des chiffres récents et des sources unanimes. Je vous invite alors à prendre du recul sur les informations que je vous apporte, à faire vos propres recherches et bien évidemment à compléter cet « article » avec tout ce que vous connaissez !
Pour commencer, le Cambodge, c'est un pays d'environ 1/3 de la surface de la France et qui compte aujourd’hui environs 15 millions d'habitants. 80 % de sa population est rurale et il y a quelques années, seulement 25 % avaient accès à l'électricité et l'eau potable.
Plus de 50 % de sa population a moins de 25 ans et 70 % a moins de 30 ans. Dans une population où les jeunes occupent une si grande part, l’éducation est donc primordiale.
L'école cambodgienne est encore aujourd'hui en train de panser ses blessures : celles de son passé historique. Le régime des Khmers Rouges, entre les années 1975 et 1979, a laissé de sérieuses traces, marquant le pays entier. Son système éducatif en a particulièrement souffert et reste aujourd'hui très en difficulté.
En effet, durant cette période, le pays s'est vue amputé d'un tiers de sa population durant l'un des seuls auto-génocides que connaît l'histoire. Les principales cibles étaient les personnes éduquées accusés de contribuer à préserver l'ancienne société. Ainsi, le simple fait d'être enseignant, de savoir lire et écrire ou même de porter des lunettes de vue pouvait vous coûter la vie. C'est alors dans ce contexte que la majorité des écoles ont été fermées pour être transformées en entrepôts ou en centre d’interrogatoire ou d'exécutions (comme celui de S21 que nous avons pu visiter)... Et c'est également dans ces instants que le pays perdra plus de 90 % de ses élites, tués ou ayant quittées le pays pour fuir les Khmers rouges.
Cette page de l'histoire aura donc profondément marqué le pays et les écoles cambodgiennes. Un autre Baohpoumiens abordera plus précisément l'histoire du pays dans un prochain post.
À la suite de cet épisode, avec bien moins de personnes éduquées, il a était très difficile pour le pays de reconstruire un système éducatif. Accueillir les enfants et pouvoir reprendre leur éducation là où elle s'était arrêtée sera un premier pas vers la reconstruction du pays.
Alors l'école s'est développée peu à peu. Se relever de cette épreuve ne sera pas facile, mais le pays ne reste pas inactif :
En 1979, 2 481 écoles primaires sont dénombrées, fréquentées par 724 058 élèves et 13 619 enseignants. Mais en 1992, le nombre d’élèves accueillis passe ainsi à 1 708 301, quant au personnel enseignant, leur effectif progresse jusqu'à atteindre 45 554.
Pour autant, un constat est inquiétant. En 1997, environ 35 % des adultes sont analphabètes. Ce chiffre concerne environ 20 % des hommes et près de 50 % des femmes. Pour ce qui est de la scolarisation, le taux (net) de scolarisation primaire est 67 %, celui des classes secondaire quant à lui est de 14 % et seulement 1,4 % des enfants seront inscrit en études supérieures. On estime alors qu'environ 50 % des enfants ne terminent pas le cycle primaire, quittant alors les bancs de l'école avant l'âge de 11 ans.
Pourtant, depuis la rentrée scolaire de 1996, le cursus scolaire primaire et secondaire est constitué de 12 grades (ou 12 classes) regroupant les enfants de 6 à 17 ans.Seuls les 6 grades de l'enseignement primaire et les 3 premier de l'enseignement secondaire (ces trois années formant le premier cycle du secondaire) sont obligatoire dans la constitution cambodgienne.Les enfants doivent donc normalement être scolarisés entre 6 et 14 ans au minimum.
En 2000, le Cambodge, accompagné de 164 pays, s'engage à garantir et avancer vers « l'éducation pour tous ».Ainsi, cet accord montre la conscience du pays vis-à-vis de la formation :elle constitue un facteur déterminant du développement social et humain.Six objectifs clés sont énoncés dont l’universalisation de l'enseignement primaire et de réduire massivement l'analphabétisme.Les pays signataire s'engagent entre autres à assurer l'éducation primaire pour tous et d'éliminer les disparités entre les sexes avant l'année 2015.
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Dans ce contexte, de nouvelles écoles sont construites et de nouveaux enseignants sont formés.Puisqu'il faut relever un point important :peu de temps après le régime Khmer Rouges, le nombre de professeurs était très restreints.Il suffisait alors de savoir à peine lire et écrire pour enseigner.Il devenait primordial de former de nouveaux professeurs.
Mais alors, à quoi ressemble le quotidien à l'école ?
Chaque matin, les enfants se réunissent en rangs selon leur grade pour rendre hommage au drapeau national hissé devant eux.Dans leurs uniformes, ils chantent l'hymne national avant de rejoindre leur salle de classe.
Dans la majorité des écoles, les salles de classe peuvent accueillir entre 25 et 45 élèves (pour un enseignant donc).Malheureusement, ces dernière manques souvent de matériels.Tableaux, bancs et bureaux souffrent petit à petit du temps.Les cahiers et crayons, pourtant essentiels, ne sont pas toujours en nombre suffisant.Et le manque de manuels scolaires est lui aussi un problème important.
On y apprend malgré tout à lire, à écrire, à compter, à parler Khmer, Anglais et parfois Français.
L'année scolaire s'étale normalement du mois de septembre au mois de juillet, mais ces périodes peuvent varier en fonction de deux facteurs.Le pays étant fortement soumis aux variations saisonnières, les aléas climatiques perturbent parfois le rythme scolaire de certaines régions.
Les zones rurales quant à elles, fautes d'enseignants qualifiés en nombres suffisants, voient les journées de scinder en deux.Un groupe travaillant le matin et l'autre l'après-midi.
Les écoles, collèges et lycées ne possèdent, pour la plupart, pas de cantines.À l'heure du repas, les élèves rentrent chez eux ou mangent sur place le repas qu'ils ont emmené ou qu'ils ont acheté sur le chemin.Enfin, ils viennent et rentrent à pieds, en scooters/moto ou en petits bus.
Le budget que le pays alloue à l'éducation est également très insuffisant.Le Cambodge détient le peu enviable record régionale de la plus faible participation du gouvernement en matière de financement de l'éducation.L'état ne prendrait en charge que 25 % des dépenses scolaires, laissant à la charge des familles les 75 % restant.Il est alors difficile pour les familles de permettre à leurs enfants d'aller à l'école, mais aussi simplement de construire de nouveaux établissements ou d'acheter du nouveau matériel.
Et le salaire moyen d'un professeur, 250 dollars par mois, ne semble pas inciter les jeunes à se tourner vers ce métier dont le pays a pourtant cruellement besoins.
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Aujourd'hui encore, de nombreux enfants ne se voient pas offrir l'opportunité d'aller à l'école.
Selon la Banque Mondiale, en 2004, 35 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté.En 2012, cela concernerait encore plus de 20 % des habitants du pays.L'une des conséquences directes de la guerre est également le nombre, aujourd'hui encore, de femmes seules, d'orphelins et de personnes handicapées, suite à des blessures bien souvent provoquées par des mines (dont le pays regorge et qui font encore aujourd'hui de nombreuse victimes notamment parmi les enfants).
Permettre à chacun de ses enfants d'aller à l'école est alors difficile financièrement et s'avère parfois impossible pour certaines familles.Sans oublier que les Cambodgiennes ont bien souvent des enfants assez jeunes et les familles sont souvent nombreuses. Alors, si l'on en as les moyens, on enverra à l'école ses fils en priorité. Les filles sont bien souvent les dernières à avoir cette chances.
Ainsi, beaucoup d'enfants sont contraints de travailler pour aider et subvenir aux besoins de leur famille.Leurs conditions de travail sont bien souvent choquantes.Certains jeunes garçons sont envoyés à la guerre en tant que soldats (bien que cela soit interdit pour les enfants).D'autres travailles dans les décharges, triant les déchets pour qu'ils soient revendus.Certains autres, travaillent en Thaïlande, au marché de Poipet juste derrière la frontière.Leur mission ?Trouver et ramasser tout ce qui pourrait se revendre, une fois rentrer au Cambodge.Passant au travers les griffes de la police ou des propriétaires, ils ramassent des canettes, seringues ou des armes qui seront revendu par le ferrailleur pour qui ils travaillent...Enfin, d'autres sont prostitués et alimenterons alors le tourisme du sexe dans les plus grandes villes comme Phnom Penh.
Et pour certains, ce travail est en parallèle de l'école.
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Dernièrement, de très nombreux progrès sont à remarquer.En 2008, on comptait moins de 2 % d'enfant ayant l'âge d'être scolarisé dans l'enseignement primaire, mais n'y étant pas inscrit.On en comptait environ 22 % pour ce qui est du premier cycle de l'enseignement secondaire.Le taux d'alphabétisation des jeunes (entre 15 et 24 ans) atteint aujourd'hui 87 %.
Pour autant, il faut être prudent.
« Si le taux de scolarisation de 98 % obtenu par le gouvernement cambodgien est une réalisation incroyable, ce chiffre ne permet pas de saisir les nombreuses façons dont les jeunes sont susceptibles d’être coupés de l’éducation à laquelle ils ont droit, estime Samphors Vorn, Directeur d’Aide et Action au Cambodge.Il y a ceux qui n’y ont pas accès, ceux qui y ont accès mais qui ne sont pas officiellement inscrits, ceux qui y ont accès et qui sont inscrits mais qui ne sont pas à l’école, ou encore ceux qui y ont accès, qui sont inscrits et bien présents mais à cause d’un handicap ou d’autres facteurs, ne parviennent pas à apprendre.»
Ainsi, ces efforts ne sont pas à relâcher.Alors, tous les enfants n'ont pas encore la chance de pouvoir rejoindre les bancs de l'école.Tous les enfants n'ont pas encore leur cahier et leur crayon.Plus que jamais, il faudra des personnes, nées dans ce pays ou venant des 4 coins du mondes, pour continuer d'offrir à ces enfants l'opportunité et la chance de pouvoir apprendre, de grandir, de vivre et de rire.Ce sont les enfants d'aujourd'hui qui pourront construire le Cambodge de demain.
Je vous remercie d'avoir lu cet article en entier ! Il était un peu long n'est ce pas, mais j'ai pris beaucoup de temps et de plaisirs pour son écriture et pour faire toutes ses recherches.
Merci à Léo pour notre échange à ce sujet, merci à Aelle et Garance pour leurs magnifiques photos et enfin merci à celles et ceux qui nous ont permis de visiter cette école et de rencontrer ces enfants.
Léa
Sources:
-https://fr.wikipedia.org/wiki/Enseignement_primaire_et_secondaire_au_Cambodge#Le_quotidien_scolaire
-https://france.aide-et-action.org/actualites/au-cambodge-faire-que-leducation-soit-laffaire-de-tous/
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